Saturday, January 17, 2009

De Doha à Gaza

Je suis arrivée en pleine crise, en pleine guerre. Le conflit entre Israël et le Hamas en est à sa troisième semaine et fait l’objet d’une couverture sans précédent sur les réseaux arabes et anglais de la chaîne Aljazeera. Cette dernière est la seule à assurer une présence journalistique des deux côtés de la frontière, et particulièrement à l'intérieur de Gaza. Les images diffusées et les témoignages recueilli par nos correspondants ont été repris partout à travers le monde.

Juste avant le début de cette crise, j'ai accepté de devenir directrice adjointe des nouvelles pour les six prochains mois au réseau anglais d’Aljazeera. Ayant déjà été directrice de l'information à Radio-Canada, je ne pouvais pas refuser de me joindre à un réseau international de cette envergure. Le défi est de taille. Le réseau se fait un devoir de présenter l’autre côté de la médaille, de couvrir des régions et des enjeux oubliés ou ignorés, et de poser un regard différent sur les événements.

J'ai toujours cru qu'être journaliste était un privilège mais que cela représentait aussi une grande responsabilité. Jamais cette notion de responsabilité ne m'a paru aussi importante que lorsque je suis revenue dans la salle des nouvelles d'Aljazeera, il y a 10 jours, en pleine guerre.

Au jour 20 de cette guerre, les bombardements d'Israël sur Gaza City se font plus nombreux. Les attaques qui s'étaient d'abord produites en banlieue, se rapprochent sérieusement du cœur de la ville. En début d’après-midi, un édifice qui abritait des médias est atteint et trois journalistes sont blessés. Les autres décident de venir joindre leurs collègues qui travaillent dans une tour pas très loin. C'est là que se trouvent notre équipe et nos deux correspondants, Ayman et Sherine. Rapidement, une rumeur veut que l'armée Israélienne, qui soupçonne une attaque du Hamas de cet endroit, cible également notre édifice.

La direction éditoriale se réunit, à la fois inquiète pour ses artisans en danger et furieuse du contrôle que tente d’exercer Israël sur la presse. Ayman, à qui nous avons donné l'ordre de quitter sa position sur le toit d’où il diffusait en direct, est au bout du fil. Nous passons en revue toutes les options, incluant le plan d'évacuation. Soudainement tous réalisent que rien n'est sécuritaire à Gaza. On reste rassurant, les familles sont tenues au courant, et pendant que plusieurs retiennent leur souffle et suivent les développements en direct à la télé, d'autres prient.

Gaza est l'exemple le plus récent des zones dangereuses que couvre Aljazeera. Le Zimbabwé, la Somalie, le Darfur, l’Irak et la guerre en Afghanistan s'ajoutent au contenu quotidien du réseau. De mon bureau au centre de la salle des nouvelles d'Aljazeera à Doha au Qatar, je réalise à quel point la notion de responsabilité prend tout son sens. Il ne faut pas oublier que les images issues de nos équipes sur le terrain sont rediffusées en boucle sur les plus grands réseaux d'informations du monde entier. Elles sont devenues l'autre côté de la médaille.

Catherine CanoCanovision

Saturday, January 10, 2009

Un dur hiver

Le trajet de 15 heures en avion de Doha au Qatar à New York ne m’a étonnamment pas paru long. Je dois admettre que de voyager en classe affaires y était pour quelque chose. Je réalise à quel point on s’adapte vite au confort. Bien que la crise financière mondiale n’épargne pas le Qatar, il reste que la richesse du pays est bien au-delà de la moyenne internationale. Entre la luxueuse villa de l’hôtel du Quatre Saisons où on me loge et mon transport assuré quotidiennement dans une belle BMW de l’année, j’ai l’impression de vivre dans un autre monde, totalement irréel.

Mais mon retour à Denver a vite fait de me sortir de cette bulle. Un de nos amis ingénieurs, dont les projets ont été annulés, s’est vu forcer de devenir chauffeur de taxi pour joindre les deux bouts. Les deux voisins d’origines hispaniques ont perdu leur emploi et s’en sont retournés au Mexique pour les mois d’hiver espérant y trouver un moyen de gagner quelques sous. Pourtant, ils avaient quitté leur pays d’origine dans l’espoir contraire.

La dizaine de grues qui meublaient le paysage du centre ville se sont arrêtées depuis quelques semaines déjà. Les projets de condominium restent vacants et les constructeurs ont reçu l’ordre de cesser les nouveaux développements. La valeur des maisons continue de chuter et les propriétés restent sur le marché, sans acheteurs en vue.

De retour à New York la veille du Jour de l’an, les magasins huppés de la 5e avenue se disputent les centaines de personnes en quête de grosses aubaines. Dans les vitrines, les enseignes annoncent des ventes allant jusqu’à 75%. Même les citoyens mieux nantis sont en mode panique ou tout au moins très inquiets. Times Square vibrait tout de même à la venue de la nouvelle année, mais la plupart des restaurants et des bars ont fermé tôt. Ce n’est pas seulement la clientèle qui manquait, mais l’esprit à la fête. De loin, on comprend que les Américains sont touchés par la crise économique, mais on ne se doute pas de la gravité de la situation.

Mon travail m’amènera encore en Europe et au Moyen Orient au cours des six prochains mois. Me voilà d’ailleurs déjà à l’aéroport JFK. En attendant mon vol, je jette un rapide coup d’œil à mes courriels. J’y lis que je devrai prendre un taxi pour me rendre non pas à l’hôtel, mais à un appartement plus modeste. Il me semblait bien aussi!


Catherine Cano
Canovision