Je suis arrivée en pleine crise, en pleine guerre. Le conflit entre Israël et le Hamas en est à sa troisième semaine et fait l’objet d’une couverture sans précédent sur les réseaux arabes et anglais de la chaîne Aljazeera. Cette dernière est la seule à assurer une présence journalistique des deux côtés de la frontière, et particulièrement à l'intérieur de Gaza. Les images diffusées et les témoignages recueilli par nos correspondants ont été repris partout à travers le monde.
Juste avant le début de cette crise, j'ai accepté de devenir directrice adjointe des nouvelles pour les six prochains mois au réseau anglais d’Aljazeera. Ayant déjà été directrice de l'information à Radio-Canada, je ne pouvais pas refuser de me joindre à un réseau international de cette envergure. Le défi est de taille. Le réseau se fait un devoir de présenter l’autre côté de la médaille, de couvrir des régions et des enjeux oubliés ou ignorés, et de poser un regard différent sur les événements.
J'ai toujours cru qu'être journaliste était un privilège mais que cela représentait aussi une grande responsabilité. Jamais cette notion de responsabilité ne m'a paru aussi importante que lorsque je suis revenue dans la salle des nouvelles d'Aljazeera, il y a 10 jours, en pleine guerre.
Au jour 20 de cette guerre, les bombardements d'Israël sur Gaza City se font plus nombreux. Les attaques qui s'étaient d'abord produites en banlieue, se rapprochent sérieusement du cœur de la ville. En début d’après-midi, un édifice qui abritait des médias est atteint et trois journalistes sont blessés. Les autres décident de venir joindre leurs collègues qui travaillent dans une tour pas très loin. C'est là que se trouvent notre équipe et nos deux correspondants, Ayman et Sherine. Rapidement, une rumeur veut que l'armée Israélienne, qui soupçonne une attaque du Hamas de cet endroit, cible également notre édifice.
La direction éditoriale se réunit, à la fois inquiète pour ses artisans en danger et furieuse du contrôle que tente d’exercer Israël sur la presse. Ayman, à qui nous avons donné l'ordre de quitter sa position sur le toit d’où il diffusait en direct, est au bout du fil. Nous passons en revue toutes les options, incluant le plan d'évacuation. Soudainement tous réalisent que rien n'est sécuritaire à Gaza. On reste rassurant, les familles sont tenues au courant, et pendant que plusieurs retiennent leur souffle et suivent les développements en direct à la télé, d'autres prient.
Gaza est l'exemple le plus récent des zones dangereuses que couvre Aljazeera. Le Zimbabwé, la Somalie, le Darfur, l’Irak et la guerre en Afghanistan s'ajoutent au contenu quotidien du réseau. De mon bureau au centre de la salle des nouvelles d'Aljazeera à Doha au Qatar, je réalise à quel point la notion de responsabilité prend tout son sens. Il ne faut pas oublier que les images issues de nos équipes sur le terrain sont rediffusées en boucle sur les plus grands réseaux d'informations du monde entier. Elles sont devenues l'autre côté de la médaille.
Catherine CanoCanovision
Saturday, January 17, 2009
Saturday, January 10, 2009
Un dur hiver
Le trajet de 15 heures en avion de Doha au Qatar à New York ne m’a étonnamment pas paru long. Je dois admettre que de voyager en classe affaires y était pour quelque chose. Je réalise à quel point on s’adapte vite au confort. Bien que la crise financière mondiale n’épargne pas le Qatar, il reste que la richesse du pays est bien au-delà de la moyenne internationale. Entre la luxueuse villa de l’hôtel du Quatre Saisons où on me loge et mon transport assuré quotidiennement dans une belle BMW de l’année, j’ai l’impression de vivre dans un autre monde, totalement irréel.
Mais mon retour à Denver a vite fait de me sortir de cette bulle. Un de nos amis ingénieurs, dont les projets ont été annulés, s’est vu forcer de devenir chauffeur de taxi pour joindre les deux bouts. Les deux voisins d’origines hispaniques ont perdu leur emploi et s’en sont retournés au Mexique pour les mois d’hiver espérant y trouver un moyen de gagner quelques sous. Pourtant, ils avaient quitté leur pays d’origine dans l’espoir contraire.
La dizaine de grues qui meublaient le paysage du centre ville se sont arrêtées depuis quelques semaines déjà. Les projets de condominium restent vacants et les constructeurs ont reçu l’ordre de cesser les nouveaux développements. La valeur des maisons continue de chuter et les propriétés restent sur le marché, sans acheteurs en vue.
De retour à New York la veille du Jour de l’an, les magasins huppés de la 5e avenue se disputent les centaines de personnes en quête de grosses aubaines. Dans les vitrines, les enseignes annoncent des ventes allant jusqu’à 75%. Même les citoyens mieux nantis sont en mode panique ou tout au moins très inquiets. Times Square vibrait tout de même à la venue de la nouvelle année, mais la plupart des restaurants et des bars ont fermé tôt. Ce n’est pas seulement la clientèle qui manquait, mais l’esprit à la fête. De loin, on comprend que les Américains sont touchés par la crise économique, mais on ne se doute pas de la gravité de la situation.
Mon travail m’amènera encore en Europe et au Moyen Orient au cours des six prochains mois. Me voilà d’ailleurs déjà à l’aéroport JFK. En attendant mon vol, je jette un rapide coup d’œil à mes courriels. J’y lis que je devrai prendre un taxi pour me rendre non pas à l’hôtel, mais à un appartement plus modeste. Il me semblait bien aussi!
Catherine Cano
Canovision
Mais mon retour à Denver a vite fait de me sortir de cette bulle. Un de nos amis ingénieurs, dont les projets ont été annulés, s’est vu forcer de devenir chauffeur de taxi pour joindre les deux bouts. Les deux voisins d’origines hispaniques ont perdu leur emploi et s’en sont retournés au Mexique pour les mois d’hiver espérant y trouver un moyen de gagner quelques sous. Pourtant, ils avaient quitté leur pays d’origine dans l’espoir contraire.
La dizaine de grues qui meublaient le paysage du centre ville se sont arrêtées depuis quelques semaines déjà. Les projets de condominium restent vacants et les constructeurs ont reçu l’ordre de cesser les nouveaux développements. La valeur des maisons continue de chuter et les propriétés restent sur le marché, sans acheteurs en vue.
De retour à New York la veille du Jour de l’an, les magasins huppés de la 5e avenue se disputent les centaines de personnes en quête de grosses aubaines. Dans les vitrines, les enseignes annoncent des ventes allant jusqu’à 75%. Même les citoyens mieux nantis sont en mode panique ou tout au moins très inquiets. Times Square vibrait tout de même à la venue de la nouvelle année, mais la plupart des restaurants et des bars ont fermé tôt. Ce n’est pas seulement la clientèle qui manquait, mais l’esprit à la fête. De loin, on comprend que les Américains sont touchés par la crise économique, mais on ne se doute pas de la gravité de la situation.
Mon travail m’amènera encore en Europe et au Moyen Orient au cours des six prochains mois. Me voilà d’ailleurs déjà à l’aéroport JFK. En attendant mon vol, je jette un rapide coup d’œil à mes courriels. J’y lis que je devrai prendre un taxi pour me rendre non pas à l’hôtel, mais à un appartement plus modeste. Il me semblait bien aussi!
Catherine Cano
Canovision
Sunday, December 21, 2008
Catherine en entrevue
Les enjeux internationaux. Émission d'Isabelle le matin, le 19 décembre 2008.
http://www.985fm.ca/chmp/audio/audioplayer.php?url=http://mediacorus.corusquebec.com/webcorus/audio/content_Audio/152183.mp3
http://www.985fm.ca/chmp/audio/audioplayer.php?url=http://mediacorus.corusquebec.com/webcorus/audio/content_Audio/152183.mp3
Friday, November 7, 2008
Catherine en entrevue
La couverture de la presse internationale et le réseau Al Jazeera à l'émission "Isabelle le matin" au 98,5
http://www.985fm.ca/mp3player.php?mp3=192053.mp3
http://www.985fm.ca/mp3player.php?mp3=192053.mp3
Sunday, November 2, 2008
De Denver à Doha
Il fait plus chaud qu’à Denver, le soleil brille encore plus fort et pourtant sur mon écran de télévision d’où je travaille, le réseau anglais d’Al Jazeera diffuse des extraits d’un discours d’Obama devant plus de cent milles personnes justement à Denver, au Colorado. Il faut bien être à l’autre bout du monde pour soudainement avoir le sentiment qu’en fait, la distance n’a aucun impact sur le sentiment d’urgence et l’importance que revêt indéniablement l’élection américaine. « Cent milles personnes! », s’exclame l’animatrice, « c’est la plus grande foule que le candidat démocrate à la présidence ait attirée depuis le début de cette campagne », poursuit-elle. Pour un moment, j’avoue que je me serais bien retrouvée là-bas.
Ma route professionnelle m’a récemment amenée de Denver, à Montréal, à New York, à Paris et enfin à Doha, la capitale du Qatar, au cœur des pays arables. Ma résidence d’accueil se situe sur les bords du golfe persique. À l’horizon, c’est l’Iran, au Nord le Kuwait et l’Iraq, au Sud l’Arabie Saoudite. Un coin névralgique en cette année électorale américaine.
Et ici, comme ailleurs dans le monde, le principal sujet de discussions est l’espoir d’une victoire de Barack Obama à la tête des États-Unis. Le souhait de voir ce dernier l’emporter repose sur des raisons bien profondes : son ouverture aux cultures, sa volonté d’écouter, de bien comprendre la complexité des enjeux et son désir de prôner des résolutions pacifistes. Cette approche rassure les parties du monde qui vivent sous les bombardements et les attaques en Afghanistan et en Iraq. Elle rassure aussi celles qui luttent contre des dictatures, que ce soit les milliers de congolais forcés de fuir leur village devant la violence et la terreur, ou les citoyens du Zimbabwe torturés à l’extrême parce qu’ils n’ont pas voté pour Mugabe. De la fragilité des situations comme celle en Georgie, aux crises humanitaires, à la catastrophe financière mondiale, la planète a un réel besoin de leadership et de sagesse.
Mais la communauté internationale reste inquiète et incertaine du choix que posera l’électorat américain et compte les heures jusqu’au dévoilement du scrutin. Les grands réseaux de télévision et les organismes de presse ont mis toute leur machine multimédia pour la couverture de la soirée. La BBC, Aljazeera et CNN Internationale présenteront des émissions spéciales de plus d’une douzaine d’heures commençant aux petites heures de matin. Ici, à Doha, on devra se lever à une heure de la nuit pour voir les premiers résultats.
Plusieurs prédisent qu’il faudra attendre les données de l’Ouest et particulièrement du Nevada, du Nouveau Mexique et du Colorado. Chose certaine, il est clair que cette élection si importante pour les Américains, l’est encore davantage pour le reste du monde.
Catherine Cano
Canovision
Ma route professionnelle m’a récemment amenée de Denver, à Montréal, à New York, à Paris et enfin à Doha, la capitale du Qatar, au cœur des pays arables. Ma résidence d’accueil se situe sur les bords du golfe persique. À l’horizon, c’est l’Iran, au Nord le Kuwait et l’Iraq, au Sud l’Arabie Saoudite. Un coin névralgique en cette année électorale américaine.
Et ici, comme ailleurs dans le monde, le principal sujet de discussions est l’espoir d’une victoire de Barack Obama à la tête des États-Unis. Le souhait de voir ce dernier l’emporter repose sur des raisons bien profondes : son ouverture aux cultures, sa volonté d’écouter, de bien comprendre la complexité des enjeux et son désir de prôner des résolutions pacifistes. Cette approche rassure les parties du monde qui vivent sous les bombardements et les attaques en Afghanistan et en Iraq. Elle rassure aussi celles qui luttent contre des dictatures, que ce soit les milliers de congolais forcés de fuir leur village devant la violence et la terreur, ou les citoyens du Zimbabwe torturés à l’extrême parce qu’ils n’ont pas voté pour Mugabe. De la fragilité des situations comme celle en Georgie, aux crises humanitaires, à la catastrophe financière mondiale, la planète a un réel besoin de leadership et de sagesse.
Mais la communauté internationale reste inquiète et incertaine du choix que posera l’électorat américain et compte les heures jusqu’au dévoilement du scrutin. Les grands réseaux de télévision et les organismes de presse ont mis toute leur machine multimédia pour la couverture de la soirée. La BBC, Aljazeera et CNN Internationale présenteront des émissions spéciales de plus d’une douzaine d’heures commençant aux petites heures de matin. Ici, à Doha, on devra se lever à une heure de la nuit pour voir les premiers résultats.
Plusieurs prédisent qu’il faudra attendre les données de l’Ouest et particulièrement du Nevada, du Nouveau Mexique et du Colorado. Chose certaine, il est clair que cette élection si importante pour les Américains, l’est encore davantage pour le reste du monde.
Catherine Cano
Canovision
Thursday, October 2, 2008
Les médias américains ont-ils privilégié Obama
Dans les médias, ce qui s’affiche,
(…) c’est le jeu sur le trou, l’erreur,
le blanc, le morcelé, le
décontextualisé, dans le but de
réactiver un petit nombre
d’oppositions, de structures. »
Patrick Imbert
L’objectivité de la presse, 1989
On dit qu’une image vaut milles mots. Ce jour là, le 18 décembre 2007, à la « une » des journaux - même de la presse francophone - se retrouve une photo d’Hillary Clinton. Un portrait peu flatteur d’une vieille femme aux traits tirés et au visage défait qu’aucun maquillage ne camoufle. Un coup réussit par le « Drudge Report » responsable d’avoir exposé malicieusement cette image dévastatrice de la candidate démocrate, diffusée et publiée par tous les médias. « Voulez-vous d’une vieille femme avec cette allure à la Maison Blanche ? » demande l’animateur conservateur controversé Bill O’Reilly à ses auditeurs. Si quiconque avait des doutes sur l’objectivité de la presse pendant la course à l’investiture démocrate, cette subtile injure est venue confirmer les incertitudes. Si le geste a été condamné par certains médias, l’impact négatif du message pose un verdict sévère, sinon déterminant.
Cet exemple nous permet d’envisager une évaluation de la couverture médiatique en deux temps : une lecture au premier niveau, et ce que l’on peut y lire en filigrane. Dans les deux cas et dans les faits, Hillary Clinton a fait l’objet de couvertures plus défavorables que son rival Barack Obama. Toutes les études confirment que dès le début de la campagne à l’investiture du parti démocrate en janvier 2007 et jusqu’à la fin des primaires, Barack Obama a reçu une couverture de presse plus positive que la Sénatrice de l’État de NewYork. Par contre, il est aussi vrai de dire qu’à partir du « Super Tuesday » le 5 février 2008, la presse est devenue plus critique envers Obama. Bien qu’il soit clair que les médias aient été obnubilés par ce dernier, une partie de la responsabilité incombe également à la campagne de Madame Clinton.
La pré-campagne
Une étude du Centre pour l’excellence en journalisme du « Pew Research Center » résumant les tendances médiatiques révèle que de janvier à mai 2007, Hillary Clinton a reçu une plus grande attention de la presse ; une couverture qui lui a été plutôt défavorable. Sur l’ensemble des nouvelles véhiculées à l’écrit comme dans la presse électronique, trente-sept pourcent (37%) des nouvelles à son sujet ont été négatives et vingt-sept pourcent (27%) se sont avérées plus positives. Barack Obama a de loin bénéficié d’une grande indulgence de la presse, recevant presque quarante-sept pourcent (47%) de couvertures lui étant favorables. Les journalistes ont, dès le départ mis l’accent sur la personnalité des candidats limitant les informations sur leur expérience antérieure et leur programme politique. Obama y paraissant comme l’enfant prodige qui s’éleve contre l’establishment de Washington et la dynastie des Clinton.
De juin à octobre 2007, les médias ont changé de ton et ils se sont attardés davantage sur les bonnes performances d’Hillary Clinton lors des multiples débats. Elle conservait une confortable avance dans les sondages et Barack Obama ne semblait plus impressionner la galerie. Depuis un moment, les médias questionnaient son manque de détermination et d’étoffe pour la présidence, lui reprochant de se perdre trop souvent dans les détails de ses politiques.
Devant le déclin de la campagne d’Obama et le reste de la palette de candidats démocrates pratiquement ignorés dans cette course, Hillary Clinton était déjà devenue la candidate présumée gagnante des démocrates. Lors de la mort de Benazir Bhutto, les journalistes se sont précipités pour dire que ce tragique événement rappelait l’importance pour le (la) prochain (e) Président (e) de posséder une grande expérience en politique étrangère. Le nom d’Hillary Clinton a fait immédiatement surface accompagné d’images de ses rencontres avec Mme Bhutto au Pakistan lorsque cette dernière était Première ministre. La crédibilité de Madame Clinton s’établissait en même temps que s’éclipsait celle de M. Obama.
Quelques semaines avant Noël, les médias couronnaient Hillary Clinton. Elle menait une campagne sans failles et Barak Obama semblait assommé par la machine Clinton. Et puis, il y a eu ce fameux débat le 30 octobre, dans lequel Mme Clinton a commis sa première erreur. Questionnée sur l’intention du Gouverneur de New York de permettre aux immigrants illégaux de détenir des permis de conduire, elle a répondu d’abord qu’elle n’était pas d’accord et questionnée une seconde fois, elle a répondu le contraire. Dès la fin du débat, elle était crucifiée sur la place publique par les médias. On la disait dorénavant vulnérable et moins incontournable. Hillary Clinton venait de donner une arme importante à son principal rival qui s’est empressé de la qualifier de « vendue » aux intérêts politiques du moment. Ce n’est donc pas une surprise si les résultats des sondages, jusqu’à maintenant très favorables à Madame Clinton, ont soudainement commencé à indiquer une chute de sa popularité. Plus les jours avançaient vers les caucus de l’Iowa, plus les médias parlaient favorablement du message d’Obama. Et plus les médias portaient leurs analyses sur la lutte serrée que nous nous apprêtions à voir en Iowa, plus les sondages reflétaient cette nouvelle tendance, confirmant ainsi la presse dans son analyse.
À partir de ce moment, et selon des données du « Center for media and Public Affairs » de Washington, cinquante-huit pourcent (58%) des nouvelles télévisées diffusées d’octobre à décembre 2007 ont été défavorables à Madame Clinton, tandis que Monsieur Obama héritait de nouvelles favorables à soixante-un (61%). Les médias qualifiaient déjà la campagne de Madame Clinton de « fragile », et montraient des images d’électeurs changeant leurs pancartes d’Hillary pour celles de Barack Obama.
Journalisme 101
Devant une couverture devenue presqu’hostile et des sondages qui révélaient un rétrécissement de l’écart entre les deux candidats, Hillary Clinton entame la saison des primaires en perte de vitesse, mais demeure toujours la favorite, quoique plus pour longtemps. Les résultats des caucus de l’Iowa consolident la pensée qu’Obama n’est pas un mirage. Sur le terrain, l’organisation tout azimut de sa campagne permet, le soir du vote, de réussir une mobilisation impressionnante, particulièrement celle des jeunes. Cet engagement de milliers d’électeurs exprime un désir de participer au mouvement de changement ainsi qu’au souhait de reprendre confiance en son gouvernement. Le mouvement était palpable, pas seulement en Iowa, mais il se manifestait depuis quelques mois à travers le pays. L’Iowa offrait aux Américains pour la première fois l’occasion d’en valider concrètement la réalité.
L’erreur des médias a été de trop interpréter les résultats de ces premiers caucus. Le désir de changement était bel et bien réel, et un mouvement important provenant de la base avait pris naissance, mais c’était loin d’être la fin pour Hillary Clinton. Pourtant, les reportages et les analyses rapportant un dérapage presqu’insurmontable de sa campagne se multipliaient. Dépeinte comme la grande perdante, elle a été filmée sous tous les angles désavantageux possibles. De la journaliste Andréa Mitchell du réseau NBC déclarant que Clinton devait tout faire pour éviter une défaite humiliante, aux images montrant des chaises vides dans une salle où la candidate prononçait un discours, ou encore à cette vidéo d’Hillary seule faisant campagne serrant la main d’un vieil homme et l’implorant d’aller voter pour elle. Bref, les médias avaient écrit la fin de l’histoire avant que les électeurs eux-mêmes aient eu un mot à dire. Les journalistes ne véhiculaient que la notion de changement sans valider la feuille de route d’Obama, complètement exclue de toute analyse de fond. Aux yeux des experts, le critère de l’expérience avait disparu et du coup, les sondages ont commencé à péricliter pour Hillary Clinton.
Les signes sur le terrain semblaient contredire cette réflexion devenue généralisée. Malgré une performance brillante lors du débat à trois jours du scrutin, les médias n’ont pas proclamé Madame Clinton gagnante. Au modérateur qui lui posait la question troublante sur le fait que les électeurs ne l’aimait pas, sa réponse fut sentie et humaine : « Cela me brise le coeur », a-t-elle dit avec un sourire un peu gêné. Ce côté sympathique qu’on ne lui connaissait à peu près pas, eut un effet remarquable et immédiat.
Et puis, il y a eu cette fameuse larme que fit dire à plusieurs qu’il s’agissait de manipulation au plus haut degré. Peut-il être véritablement avantageux pour une femme politique qui convoite le poste de la présidence des États-Unis, de montrer sa vulnérabilité en public ? Il n’y a aucun bénéfice à semer le doute sur ses capacités d’être tenace et de ne pas céder sous pression. Pourtant la couverture média fut sarcastique et cynique, certains affirmant que les femmes avaient eu pitié d’elle.
La victoire d’Hillary est le résultat d’un bon travail de terrain, de sa candeur à dévoiler ses émotions et de l’efficacité du message centré sur son expérience. Mais cette victoire est aussi le résultat de la couverture médiatique. L’intense négativisme de cette couverture a été perçu, particulièrement par l’électorat féminin, comme de l’acharnement. Les femmes se sont reconnues dans la bataille d’Hillary et les attaques injustes dirigées contre elle ont fait que ces autres femmes ont soudainement sympathisé.
Le résultat de cette primaire au New Hampshire a suscité une pléiade de mea culpa. Sondeurs, journalistes et experts se sont auto-flagellés s’excusant à moitié d’avoir induit le public en erreur. Ils s’expliquent difficilement la débandade des sondages qui prédisaient une victoire imposante de Barak Obama. Mais pourquoi les médias ont accordé tant d’importance aux sondages, comment eux-mêmes ont-ils pu être si déconnectés ? Chris Mattews de l’émission « Hardball » à MSNBC se demandait de quoi les médias pourraient bien discuter sans les sondages, « on devra rester chez-nous! » avait-il lancé en ondes. Une réaction aberrante mais qui en dit long sur le rôle que se donnent les journalistes aujourd’hui. Qu’en est-il d’éduquer et d’informer sur les programmes politiques des partis par exemple, ou de s’intéresser aux préoccupations des citoyens et analyser l’impact des projets des candidats sur ces populations !
Les données du « Centre for Media and Public Affairs » pendant cette même période et celle qui a suivit jusqu’au « Super Tuesday », confirment la tendance des trois réseaux de télévision – ABC, CBS et NBC à présenter un portrait extrêmement encourageant de Barack Obama. La couverture positive a atteint son apogée entre les primaires de la Caroline du Sud le 26 janvier et le « Super Tuesday » le 5 février, où il a récolté quatre-vingt seize pourcent (96%) de commentaires favorables. En fait, si on s’était fié aux réseaux de télévision, la course à la chefferie était chose faite puisque plus de quatre-vingt quinze pourcent (95%) des commentaires d’experts étaient optimistes quant à ses chances de remporter l’investiture contre quarante-sept pourcent (47%) pour Clinton. La plupart des contenus des entrevues sur l’évaluation de la performance des candidats faisaient l’éloge d’Obama. Quatre-vingt onze pourcent (91%) croyaient à ses chances de succès une fois Président, tandis que soixante-quinze pourcent (75%) émettaient des craintes sur celles de Clinton.
La presse manipulée ?
Une autre étude du Centre d’excellence pour le journalisme du « Pew Research Center », celle-là menée de janvier à mars 2008, note un équilibre de couverture dans le discours médiatique lié aux enjeux sur les personnalités et les caractères des deux candidats. Le Centre précise que Barack Obama et Hillary Clinton ont bénéficié respectivement d’une couverture à 69% et 67% favorable, et ce, tous médias confondus. Ils ont donc tous les deux été en mesure de passer leur message auprès de la presse.
Dans le cas d’Obama, presque trente pourcent (30%) des contenus ont promu l’idée qu’il représentait l’espoir et le changement, et seulement quatre pourcent (4%) ont souligné que ces notions demeuraient vagues et exigeaient plus de détails. Dix-sept pourcent (17%) des médias ont émis l’idée qu’il était charismatique et seulement six pourcent (6 %) des propos de la presse ont mentionné que ses discours étaient éloquents mais vides de signification. Cinq fois plus de nouvelles ont réfuté l’analyse de son attrait limité auprès des différents groupes d’électeurs et les journalistes ont deux fois moins fait état de son manque d’expérience que du changement et de l’espoir qu’il apporterait.
Pour ce qui est d’Hillary Clinton, l’idée qu’elle est prête à diriger le pays dès le jour « un », a fait partie du trente-huit pourcent (38%) des énoncés de la presse et quatorze pourcent (14%) ont rejeté la notion qu’elle était une personne calculée, détestable et inhumaine. Sa plus grande difficulté a été de contrer le discours répétitif de la presse sur le fait qu’elle représentait le passé et non le changement.
Au total, les candidats ont contrôlé l’agenda médiatique et ont influencé trente-neuf pourcent (39%) des angles de couverture, presque dix pourcent de plus qu’en 2004. Le succès des équipes des deux camps à transmettre leurs messages via les médias jette une douche froide sur le travail des journalistes et force un questionnement. La demande des organismes de presse pour de l’information continuellement renouvelée est devenue un obstacle majeur dans l’objectif d’une couverture journalistique rigoureuse. Le manque de temps explique souvent le manque de vérifications nécessaires. Les médias contrôlent de moins en moins leurs contenus mais cela ne constitue en rien une excuse.
Malgré cette apparence d’équilibre dans la couverture sur le plan de l’image des candidats, la tendance de l’ensemble des contenus imprimés et diffusés a continué de favoriser Barack Obama en 2008. La presse est demeurée éblouie par le sénateur de l’Illinois, les immenses foules qu’il attirait et ses nombreuses victoires - particulièrement au début de la saison des primaires. Toutefois, le propos des médias plus positifs à son égard, a aussi trouvé sa source dans les erreurs multipliées du camp Clinton et la campagne négative orchestrée par Billary (Bill et Hillary Clinton).
Plusieurs exemples viennent en tête : la déclaration de Madame Clinton selon laquelle le rêve de Martin Luther King n’a pu se réaliser que grâce au Président Johnson diminuant l’apport historique du Dr. King, les propos de Bill Clinton peignant les similarités de la course d’Obama à celle de Jesse Jackson qui n’avait réussi qu’à remporter des États où les électeurs noirs étaient nombreux, ou encore celle à l’effet que le plan d’Obama en Iraq était un conte de fée. En plus d’accuser l’équipe d’Obama d’irrégularités durant les caucus du Nevada, les Clinton ont laissé des partisans semer des doutes sur la religion de M. Obama et rappeler son utilisation de drogues.
Parallèlement, le camp d’Hillary connaissait des difficultés financières obligeant la candidate à prêter personnellement 5 millions de dollars pour aider sa campagne tandis qu’Obama battait un record de levée de fonds atteignant cinquante-cinq millions de dollars en février. Au même moment, Clinton se voyait forcer d’annoncer le départ de sa directrice de campagne, Patti Solis Doyle.
Accuser les médias de favoritisme à l’endroit d’Obama s’avère en partie justifiée mais ne l’est pas entièrement puisque la couverture de la presse avait un devoir de mettre au jour les réalités difficiles et les erreurs du camp Clinton. À prime abord, les équipes des deux candidats ont réussi à passer les principaux messages de leurs campagnes, mais ont plus de difficulté à contrôler les accidents de parcours et la couverture médiatique. La presse a été manipulée oui, mais pas complètement.
Le medium est le message
Si les erreurs de l’équipe Clinton expliquent en partie une presse moins favorable à leur endroit, elles indiquent également le début d’une tendance défavorable à l’égard de M. Obama. La force des Clinton s’est mesuré dans leur capacité à transformer leurs erreurs en attaque négative contre leur adversaire. L’environnement médiatique de nouvelles en continue sur Internet comme à la télévision, est devenu un allié et un outil utile pour les Clinton, du moins pour un temps. Lorsque Hillary Clinton a parlé du rôle limité de Martin Luther King, Obama n’a pas critiqué les Cinton rappelant au contraire, les nombreuses réalisations de Bill en faveur de la communauté noire. Mais Madame Clinton n’a pas lâché prise et a accusé Obama et son organisation d’avoir déformé ses propos et d’avoir encouragé une réaction négative. La perception en a été que l’équipe du jeune candidat noir avait attisé le feu et profité de la question raciale pour nuire aux Clinton. Résultat : Obama s’est excusé au nom de son équipe et a demandé une trêve. Il s’est excusé pour des propos qu’il n’a jamais tenus et pour des actions que son équipe n’a jamais portées. La stratégie de récupération des Clinton a été brillante. Mieux encore, ils avaient réussi à injecter le concept racial dans la course, un terrain bien glissant pour Obama et sur lequel les médias, n’étant pas à l’aise, ne faisaient que présenter les extraits intégraux encore et encore.
Devant une presse ébranlée, mais encore sous le charme d’Obama et encore impressionnée de ses onze victoires consécutives après le fameux « Super Tuesday », la tactique des Clinton fut ensuite de manifester leur grogne contre les médias les accusant de favoriser Obama. Se référant à un sketch de l’émission populaire « Saturday Night Live », Hillary a suggéré lors d’un débat, de demander à Barack s’il est assis assez confortablement ou s’il a besoin d’un autre oreiller. Toute la semaine qui a suivi, les médias se sont interrogés sur leur objectivité comme le New York Times qui titrait le 29 février : « Are the media giving Obama a free ride? » Une semaine avant les primaires du Texas et de l’Ohio, Obama recevait effectivement soixante-neuf pourcent (69%) de toute la couverture des médias reliée à la campagne.
En réaction aux critiques des Clinton, les journalistes ont entrepris de scruter les réalisations d’Obama en commençant par sa carrière législative et les 129 fois qu’il a choisi de voter « present » sur un projet de loi lorsqu’il était sénateur en Illinois. La presse s’est mise à fouiller les liens d’Obama avec l’homme d’affaire controversé Tony Rezko de Chicago. Au même moment, les journalistes apprenaient qu’un conseiller d’Obama rencontrait un officiel canadien pour le rassurer des propos de son candidat quant à ses réelles intentions de ré-ouvrir l’ALENA. Pour finir, une photo de Barack Obama en habit traditionnel africain faisait surface. Au cours de la même semaine, la campagne Clinton lance la fameuse publicité « 3 heures du matin » faisant référence à celle ou celui qui serait le mieux placé pour répondre à une crise questionnant ainsi l’expérience d’Obama. Clinton n’avait pas non plus hésité à faire l’éloge de John McCain déclarant qu’il avait plus d’expérience que son rival démocrate.
Bref, la tactique a porté fruit puisque la couverture des médias a davantage ciblé les attaques de Clinton sur Obama que la récente défaite de la sénatrice dans onze États. Selon le Centre pour l’excellence en journalisme, la cote favorable d’Obama est tombée en chute libre passant de soixante-dix-sept pourcent (77%) au début de l’année à cinquante-trois pourcent (53%) au début de mars, tandis que celle de Mme Clinton s’est maintenue autour de cinquante pourcent (50%).
Le succès de Madame Clinton en Ohio et au Texas lui permet de cristalliser un traitement médiatique plus favorable. Plus le temps avançait, plus de questions se posaient sur la candidature d’Obama et sa capacité à faire face à un adversaire déterminé. En peu de temps Clinton avait repris l’offensive, et les attaques contre Obama ainsi que la mise en doute sur le travail des journalistes, se sont avérés payants. Clinton avait réussi à déterminer l’agenda des médias encore hypnotisés par le phénomène Obama. Après un an de campagne, il est tout de même étonnant que la presse commence à peine à fouiller le passé du candidat en bonne voie de remporter l’investiture de son parti. Cette fois la presse à bel et bien été manipulée, mais elle le méritait.
La descente en enfer d’Obama ?
La campagne d’Obama fait face à deux controverses majeures entre la mi-mars et la mi-avril juste avant les primaires de la Pennsylvanie. Une vidéo de Jeremiah Wright, conseiller spirituel du sénateur de l’Illinois, tenant des propos jugés antipatriotiques et racistes, est diffusée à la télévision et force Obama à prononcer un discours sur la question raciale. Au même moment, ce dernier domine la couverture médiatique avec soizante-douze pourcent (72%) de toutes les nouvelles sur la campagne, bien que cette couverture ait été en grande partie défavorable. Le discours met fin à l’hémorragie mais malgré les commentaires de la presse généralement positifs sur ce moment historique, plusieurs reprochent à Obama de ne pas s’être complètement dissocié de Wright et de ne pas avoir quitté son Église.
Et un mois après les paroles incendiaires du Révérend Wright, Obama commet une erreur importante. Il doit expliquer une de ses remarques sur l’amertume des électeurs des petites villes, qui, dit-il, les pousse à "s’accrocher" aux armes à feu et à la religion. Madame Clinton a vite fait de qualifier ces commentaires d’élitistes et de condescendants. Même si ces deux histoires sont arrivées tard dans la saison des primaires, la presse devenue moins complaisante envers Obama, le critique fortement. Le message d’espoir et de changement a été relégué aux oubliettes ne représentant que vingt pourcent (20%) des commentaires des médias; ces derniers mettant davantage l’accent (25% de la couverture) sur son manque d’expérience.
Mais Hillary Clinton ne connait pas de répit. Et par sa propre faute, continue d’alimenter ses critiques. À deux semaines des primaires cruciales du 22 avril en Pennsylvanie, sa campagne perd pied avec la déclaration malheureuse de Geraldine Ferraro disant qu’Obama ne serait pas rendu si loin dans la course s’il n’était pas noir, et l’imagination fertile d’Hillary Clinton qui répète à tort avoir été sous les feux ennemis à son arrivée en Bosnie. La démission forcée de Mark Penn, son stratège en chef ajoute au malheur, mais il y a plus. Les Clinton confirment qu’ils sont riches ayant accumulé des revenus totalisant 109 millions de dollars. Par ailleurs, la campagne de la sénatrice Clinton n’a récolté que vingt millions de dollars en mars, deux fois moins que son adversaire.
Le contrôle de l’agenda médiatique par le camp Clinton devient plus laborieux. La controverse du Révérend Wright ne semble pas avoir nuit autant à Barack Obama, ni même, ses propos sur l’amertume de certains Américains. Et puis, à l’approche de la fin de la saison des primaires, et malgré ses victoires, Madame Clinton est incapable de rattraper Barack Obama quant au nombre nécessaire de délégués pour remporter l’investiture. Devant un calcul mathématique qui semble insurmontable, des voix se font de plus en plus entendre pour qu’elle démissionne au nom de l’unité du parti et la presse n’hésite pas à poser la question ouvertement, et sans relâche.
Ce qui aurait pu constituer la descente en enfer de Barack Obama, n’allait donc pas se matérialiser. La sympathie des médias fut apparente lors du débat entre les deux candidats démocrates, organisé par le réseau ABC le 16 avril où Obama a été confronté à un barrage de questions allant de son patriotisme, à ses valeurs, à sa religion. Les journalistes et analystes ont été unanimes à dire, sauf pour un chroniqueur du New York Times, que les modérateurs ont exagéré et ont été carrément injustes envers le jeune candidat. Le débat sur le débat a occupé vingt-deux pourcent (22%) de la couverture média et en général le ton était défavorable envers ABC, accusé d’avoir désavantagé Obama dans sa démarche. Certains ont même insinué que Georges Stephanopoulos, ancien conseillé de Bill Clinton, avait montré ses couleurs en attaquant avec autant d’ardeur l’adversaire d’Hillary Clinton.
La presse en contrôle de l’agenda
Or, malgré la persistance de la controverse du Révérend Wright, malgré les victoires de Clinton dans la moitié des primaires restantes (dont celle importante de la Virginie de l’Ouest), malgré l’inquiétude face aux difficultés d’Obama d’attirer le vote des travailleurs de la classe ouvrière, malgré l’indécision des super-délégués à joindre les rangs d’Obama, tous avaient le sentiment en écoutant la presse que les jeux étaient faits. Lorsque Madame Clinton a proposé d’éliminer la taxe sur l’essence pendant les vacances d’été, les médias se sont précipités pour dénicher tous les économistes qui s’opposaient à cette mesure. Dès le lendemain de sa défaite en Caroline du Nord et de sa mince victoire en Indiana, la presse déclarait un gagnant. Le magazine Time titrait : « And the winner is …Obama» et les analystes disaient à tour de rôle qu’il en était fini de la campagne d’Hillary Clinton. Déjà des médias dont le New York Times annonçait les stratégies pour une bataille entre Barack Obama et John McCain faisant complètement fi de Madame Clinton. Dans cette même période, vingt pourcent (20%) des nouvelles traitaient de son départ et de la division qu’elle perpétuait au sein du parti en restant dans la course.
Et puis son coup de grâce est arrivé un vendredi lorsqu’elle fut obligée de s’excuser pour avoir fait référence à l’assassinat de Robert Kennedy comme une des raisons expliquant ce pourquoi elle restait dans la course. Les médias se sont jetés sur cette proie avec voracité. En vingt minutes, tous les réseaux s’étaient appropriés la nouvelle y retirant tout le contexte. Il fallait voir Hillary Clinton défaite pour comprendre que son intention n’était pas de supposer la possibilité d’une mort soudaine d’Obama, mais plutôt que la course à l’investiture ne s’était pas décidé en 1968 avant juin.
De la misogynie
Jeter un regard sur le travail de la presse pendant la saison des primaires est une entreprise de taille. Et ce regard sommaire ne permet pas d’entrer dans tous les détails. Par contre, j’ajouterai quelques lignes sur la couverture médiatique considérée sexiste.
Hillary Clinton a fait l’objet de plusieurs commentaires désobligeants. Pour preuve, il suffit de consulter le site Internet www.now.org/issues/media/hall_of_shame/index. Que ce soit son manque de chaleur ou ses problèmes maritaux. Ou encore, son habillement qui ne la rendait pas assez féminine (ses fameux ensembles pantalon) et son approche dure et froide qui a fait dire à l’animateur Tucker Carlson de MSNBC qu’elle semble agir trop en « homme » pour être présidente. Ou encore, à l’opposé trop féminine avec ses décolletés plongeants sur lesquels Fox News a consacré des heures d’antenne.
Les émissions américaines satiriques de fin de soirée ont de loin favorisé Mme Clinton. Même s’il faut savoir rire de soi, les messages perpétuaient des perceptions défavorables de la candidate et surtout sexistes, même sous forme de plaisanteries. Un exemple du comédien Jay Leno en dit long: « La sénatrice Clinton dit qu’elle rapatriera les troupes aux pays une fois présidente, mais elle est incapable de rapatrier Bill à la maison ». Ou encore, un journaliste de la radio publique NPR qui se trouve original en comparant Hillary Clinton au personnage de Glenn Close dans le film « Fatal attractions ».
Ses adversaires ont aussi contribué à maintenir un discours misogyne. Le 12 novembre 2007, John McCain se fait interpellé par une citoyenne qui lui demande : « How do we beat the bitch? » McCain rit avec la foule et poursuit comme si de rien n’était en disant qu’il s’agissait d’une excellente question. Peu de journalistes ont condamné cette réaction de McCain et de fait, plusieurs médias ont commencé à mettre l’accent sur la capacité d’Hillary Clinton à être suffisamment respectée et aimée pour être élue. Le même jour, le réseau ABC diffusait un sondage disant que quarante-quatre pourcent (44%) des Américains sont défavorables à Clinton ainsi que des extraits de trois femmes se demandant si Madame Clinton croyait véritablement aux valeurs familiales. Il est vrai que Clinton était loin de faire l’unanimité et qu’un bon nombre de citoyens ont un sentiment d’antipathie viscérale à son endroit. Mais rien n’excuse le silence des médias devant de telles déclarations qui n’avaient surtout rien à voir avec la compétence de la personne mais tout avoir avec des préjugés malsains. Non seulement le discours médiatique a-t-il été défavorable à Hillary Clinton, mais la toile de fond qui se lit en filigrane, est venue appuyer subtilement cette tendance, à la limite pernicieuse envers la première femme candidate à la présidence des États-Unis.
Les tactiques plutôt que les politiques
Vu dans un contexte historique, cet enthousiasme de la presse en faveur de Barack Obama rappelle celui de 1960. John F. Kennedy représentait le renouveau, autant sur le plan de la vision que de la personnalité. Les médias ont été victime également de leur propre ambition. Le désir de maintenir l’intérêt du public, ou des consommateurs, n’est pas étranger à la pression de voir se développer une course serrée. Et comme ce fut le cas en l’an 2000 pour Georges W. Bush, ils ont choisi leur favori. Les biais journalistiques étaient en évidence dans plusieurs organismes de presse. MSNBC par exemple, en a perdu sa crédibilité, tellement le réseau vibrait au son d’Obama. Des émissions comme « Countdown » avec Keith Olbermann analysaient les sondages favorables au jeune sénateur et en omettaient d’autres qui présentaient des données contraires. De plus en plus d’organismes de presse offrent de l’opinion dans leur programmation. Dans la majorité des cas, ces opinions ne sont pas appuyées ou basées sur des faits réels, mais plutôt sur une interprétation de certains faits. Cette tendance lourde ne peut que porter ombrage au métier de journaliste.
S’agissait-il de paresse intellectuelle ou carrément de manque d’objectivité mais chose certaine, les médias ont gardé sous silence pendant plusieurs mois les informations pertinentes sur les réalisations, le passé et les intentions du sénateur de l’Illinois.
En fait, l’ensemble des médias s’est davantage intéressé à la couverture de la course, des stratégies et des tactiques plutôt que sur les enjeux et les programmes politiques. De janvier à mai 2007, soixante-trois pourcent (63%) des informations ont ciblé les stratégies et les tactiques politiques, quinze pourcent (15%) les programmes des candidats, et 1% leur expertise antérieure.
Un an plus tard, l’intérêt des médias est resté invariable, et du 1er janvier au début mai 2008, soixante dix-huit pourcent (78%) des nouvelles se sont concentrées sur les aspects politiques de la campagne. Par exemple, qui a remporté la plus récente primaire. La couverture reliée aux programmes politiques n’a constitué que sept pourcent (7 %) des informations disponibles. Cette tendance a désavantagé Hillary Clinton qui bénéficiait de meilleurs commentaires sur ses politiques que son adversaire. Mais les médias ont choisi de poser cette question seulement une fois sur dix.
La couverture médiatique n’a donc pas évolué depuis les dernières élections et semble aller à l’encontre des intérêts des citoyens. L’an dernier, selon le « Pew Research Center », le public souhaitait à soixante dix-sept pourcent (77%) obtenir de l’information sur la position des candidats relative aux enjeux d’importance, dont la crise économique. Malgré le fait que dès janvier, le pays ait fait face à un ralentissement économique majeur voir même une possible récession, le public attendra jusqu’en mai avant d’être informé sur les conditions économiques inquiétantes et les intentions des candidats.
La presse américaine aura donc échoué à plusieurs niveaux, tant dans son contenu que dans son objectivité. Reste à savoir jusqu’à quel point le public aura été influencé par la couverture médiatique de cette première mais longue étape électorale et jusqu’à quel point, à l’exemple des électeurs démocrates du New Hampshire, ils ne seront pas dupes pour la suite.
Catherine Cano
(…) c’est le jeu sur le trou, l’erreur,
le blanc, le morcelé, le
décontextualisé, dans le but de
réactiver un petit nombre
d’oppositions, de structures. »
Patrick Imbert
L’objectivité de la presse, 1989
On dit qu’une image vaut milles mots. Ce jour là, le 18 décembre 2007, à la « une » des journaux - même de la presse francophone - se retrouve une photo d’Hillary Clinton. Un portrait peu flatteur d’une vieille femme aux traits tirés et au visage défait qu’aucun maquillage ne camoufle. Un coup réussit par le « Drudge Report » responsable d’avoir exposé malicieusement cette image dévastatrice de la candidate démocrate, diffusée et publiée par tous les médias. « Voulez-vous d’une vieille femme avec cette allure à la Maison Blanche ? » demande l’animateur conservateur controversé Bill O’Reilly à ses auditeurs. Si quiconque avait des doutes sur l’objectivité de la presse pendant la course à l’investiture démocrate, cette subtile injure est venue confirmer les incertitudes. Si le geste a été condamné par certains médias, l’impact négatif du message pose un verdict sévère, sinon déterminant.
Cet exemple nous permet d’envisager une évaluation de la couverture médiatique en deux temps : une lecture au premier niveau, et ce que l’on peut y lire en filigrane. Dans les deux cas et dans les faits, Hillary Clinton a fait l’objet de couvertures plus défavorables que son rival Barack Obama. Toutes les études confirment que dès le début de la campagne à l’investiture du parti démocrate en janvier 2007 et jusqu’à la fin des primaires, Barack Obama a reçu une couverture de presse plus positive que la Sénatrice de l’État de NewYork. Par contre, il est aussi vrai de dire qu’à partir du « Super Tuesday » le 5 février 2008, la presse est devenue plus critique envers Obama. Bien qu’il soit clair que les médias aient été obnubilés par ce dernier, une partie de la responsabilité incombe également à la campagne de Madame Clinton.
La pré-campagne
Une étude du Centre pour l’excellence en journalisme du « Pew Research Center » résumant les tendances médiatiques révèle que de janvier à mai 2007, Hillary Clinton a reçu une plus grande attention de la presse ; une couverture qui lui a été plutôt défavorable. Sur l’ensemble des nouvelles véhiculées à l’écrit comme dans la presse électronique, trente-sept pourcent (37%) des nouvelles à son sujet ont été négatives et vingt-sept pourcent (27%) se sont avérées plus positives. Barack Obama a de loin bénéficié d’une grande indulgence de la presse, recevant presque quarante-sept pourcent (47%) de couvertures lui étant favorables. Les journalistes ont, dès le départ mis l’accent sur la personnalité des candidats limitant les informations sur leur expérience antérieure et leur programme politique. Obama y paraissant comme l’enfant prodige qui s’éleve contre l’establishment de Washington et la dynastie des Clinton.
De juin à octobre 2007, les médias ont changé de ton et ils se sont attardés davantage sur les bonnes performances d’Hillary Clinton lors des multiples débats. Elle conservait une confortable avance dans les sondages et Barack Obama ne semblait plus impressionner la galerie. Depuis un moment, les médias questionnaient son manque de détermination et d’étoffe pour la présidence, lui reprochant de se perdre trop souvent dans les détails de ses politiques.
Devant le déclin de la campagne d’Obama et le reste de la palette de candidats démocrates pratiquement ignorés dans cette course, Hillary Clinton était déjà devenue la candidate présumée gagnante des démocrates. Lors de la mort de Benazir Bhutto, les journalistes se sont précipités pour dire que ce tragique événement rappelait l’importance pour le (la) prochain (e) Président (e) de posséder une grande expérience en politique étrangère. Le nom d’Hillary Clinton a fait immédiatement surface accompagné d’images de ses rencontres avec Mme Bhutto au Pakistan lorsque cette dernière était Première ministre. La crédibilité de Madame Clinton s’établissait en même temps que s’éclipsait celle de M. Obama.
Quelques semaines avant Noël, les médias couronnaient Hillary Clinton. Elle menait une campagne sans failles et Barak Obama semblait assommé par la machine Clinton. Et puis, il y a eu ce fameux débat le 30 octobre, dans lequel Mme Clinton a commis sa première erreur. Questionnée sur l’intention du Gouverneur de New York de permettre aux immigrants illégaux de détenir des permis de conduire, elle a répondu d’abord qu’elle n’était pas d’accord et questionnée une seconde fois, elle a répondu le contraire. Dès la fin du débat, elle était crucifiée sur la place publique par les médias. On la disait dorénavant vulnérable et moins incontournable. Hillary Clinton venait de donner une arme importante à son principal rival qui s’est empressé de la qualifier de « vendue » aux intérêts politiques du moment. Ce n’est donc pas une surprise si les résultats des sondages, jusqu’à maintenant très favorables à Madame Clinton, ont soudainement commencé à indiquer une chute de sa popularité. Plus les jours avançaient vers les caucus de l’Iowa, plus les médias parlaient favorablement du message d’Obama. Et plus les médias portaient leurs analyses sur la lutte serrée que nous nous apprêtions à voir en Iowa, plus les sondages reflétaient cette nouvelle tendance, confirmant ainsi la presse dans son analyse.
À partir de ce moment, et selon des données du « Center for media and Public Affairs » de Washington, cinquante-huit pourcent (58%) des nouvelles télévisées diffusées d’octobre à décembre 2007 ont été défavorables à Madame Clinton, tandis que Monsieur Obama héritait de nouvelles favorables à soixante-un (61%). Les médias qualifiaient déjà la campagne de Madame Clinton de « fragile », et montraient des images d’électeurs changeant leurs pancartes d’Hillary pour celles de Barack Obama.
Journalisme 101
Devant une couverture devenue presqu’hostile et des sondages qui révélaient un rétrécissement de l’écart entre les deux candidats, Hillary Clinton entame la saison des primaires en perte de vitesse, mais demeure toujours la favorite, quoique plus pour longtemps. Les résultats des caucus de l’Iowa consolident la pensée qu’Obama n’est pas un mirage. Sur le terrain, l’organisation tout azimut de sa campagne permet, le soir du vote, de réussir une mobilisation impressionnante, particulièrement celle des jeunes. Cet engagement de milliers d’électeurs exprime un désir de participer au mouvement de changement ainsi qu’au souhait de reprendre confiance en son gouvernement. Le mouvement était palpable, pas seulement en Iowa, mais il se manifestait depuis quelques mois à travers le pays. L’Iowa offrait aux Américains pour la première fois l’occasion d’en valider concrètement la réalité.
L’erreur des médias a été de trop interpréter les résultats de ces premiers caucus. Le désir de changement était bel et bien réel, et un mouvement important provenant de la base avait pris naissance, mais c’était loin d’être la fin pour Hillary Clinton. Pourtant, les reportages et les analyses rapportant un dérapage presqu’insurmontable de sa campagne se multipliaient. Dépeinte comme la grande perdante, elle a été filmée sous tous les angles désavantageux possibles. De la journaliste Andréa Mitchell du réseau NBC déclarant que Clinton devait tout faire pour éviter une défaite humiliante, aux images montrant des chaises vides dans une salle où la candidate prononçait un discours, ou encore à cette vidéo d’Hillary seule faisant campagne serrant la main d’un vieil homme et l’implorant d’aller voter pour elle. Bref, les médias avaient écrit la fin de l’histoire avant que les électeurs eux-mêmes aient eu un mot à dire. Les journalistes ne véhiculaient que la notion de changement sans valider la feuille de route d’Obama, complètement exclue de toute analyse de fond. Aux yeux des experts, le critère de l’expérience avait disparu et du coup, les sondages ont commencé à péricliter pour Hillary Clinton.
Les signes sur le terrain semblaient contredire cette réflexion devenue généralisée. Malgré une performance brillante lors du débat à trois jours du scrutin, les médias n’ont pas proclamé Madame Clinton gagnante. Au modérateur qui lui posait la question troublante sur le fait que les électeurs ne l’aimait pas, sa réponse fut sentie et humaine : « Cela me brise le coeur », a-t-elle dit avec un sourire un peu gêné. Ce côté sympathique qu’on ne lui connaissait à peu près pas, eut un effet remarquable et immédiat.
Et puis, il y a eu cette fameuse larme que fit dire à plusieurs qu’il s’agissait de manipulation au plus haut degré. Peut-il être véritablement avantageux pour une femme politique qui convoite le poste de la présidence des États-Unis, de montrer sa vulnérabilité en public ? Il n’y a aucun bénéfice à semer le doute sur ses capacités d’être tenace et de ne pas céder sous pression. Pourtant la couverture média fut sarcastique et cynique, certains affirmant que les femmes avaient eu pitié d’elle.
La victoire d’Hillary est le résultat d’un bon travail de terrain, de sa candeur à dévoiler ses émotions et de l’efficacité du message centré sur son expérience. Mais cette victoire est aussi le résultat de la couverture médiatique. L’intense négativisme de cette couverture a été perçu, particulièrement par l’électorat féminin, comme de l’acharnement. Les femmes se sont reconnues dans la bataille d’Hillary et les attaques injustes dirigées contre elle ont fait que ces autres femmes ont soudainement sympathisé.
Le résultat de cette primaire au New Hampshire a suscité une pléiade de mea culpa. Sondeurs, journalistes et experts se sont auto-flagellés s’excusant à moitié d’avoir induit le public en erreur. Ils s’expliquent difficilement la débandade des sondages qui prédisaient une victoire imposante de Barak Obama. Mais pourquoi les médias ont accordé tant d’importance aux sondages, comment eux-mêmes ont-ils pu être si déconnectés ? Chris Mattews de l’émission « Hardball » à MSNBC se demandait de quoi les médias pourraient bien discuter sans les sondages, « on devra rester chez-nous! » avait-il lancé en ondes. Une réaction aberrante mais qui en dit long sur le rôle que se donnent les journalistes aujourd’hui. Qu’en est-il d’éduquer et d’informer sur les programmes politiques des partis par exemple, ou de s’intéresser aux préoccupations des citoyens et analyser l’impact des projets des candidats sur ces populations !
Les données du « Centre for Media and Public Affairs » pendant cette même période et celle qui a suivit jusqu’au « Super Tuesday », confirment la tendance des trois réseaux de télévision – ABC, CBS et NBC à présenter un portrait extrêmement encourageant de Barack Obama. La couverture positive a atteint son apogée entre les primaires de la Caroline du Sud le 26 janvier et le « Super Tuesday » le 5 février, où il a récolté quatre-vingt seize pourcent (96%) de commentaires favorables. En fait, si on s’était fié aux réseaux de télévision, la course à la chefferie était chose faite puisque plus de quatre-vingt quinze pourcent (95%) des commentaires d’experts étaient optimistes quant à ses chances de remporter l’investiture contre quarante-sept pourcent (47%) pour Clinton. La plupart des contenus des entrevues sur l’évaluation de la performance des candidats faisaient l’éloge d’Obama. Quatre-vingt onze pourcent (91%) croyaient à ses chances de succès une fois Président, tandis que soixante-quinze pourcent (75%) émettaient des craintes sur celles de Clinton.
La presse manipulée ?
Une autre étude du Centre d’excellence pour le journalisme du « Pew Research Center », celle-là menée de janvier à mars 2008, note un équilibre de couverture dans le discours médiatique lié aux enjeux sur les personnalités et les caractères des deux candidats. Le Centre précise que Barack Obama et Hillary Clinton ont bénéficié respectivement d’une couverture à 69% et 67% favorable, et ce, tous médias confondus. Ils ont donc tous les deux été en mesure de passer leur message auprès de la presse.
Dans le cas d’Obama, presque trente pourcent (30%) des contenus ont promu l’idée qu’il représentait l’espoir et le changement, et seulement quatre pourcent (4%) ont souligné que ces notions demeuraient vagues et exigeaient plus de détails. Dix-sept pourcent (17%) des médias ont émis l’idée qu’il était charismatique et seulement six pourcent (6 %) des propos de la presse ont mentionné que ses discours étaient éloquents mais vides de signification. Cinq fois plus de nouvelles ont réfuté l’analyse de son attrait limité auprès des différents groupes d’électeurs et les journalistes ont deux fois moins fait état de son manque d’expérience que du changement et de l’espoir qu’il apporterait.
Pour ce qui est d’Hillary Clinton, l’idée qu’elle est prête à diriger le pays dès le jour « un », a fait partie du trente-huit pourcent (38%) des énoncés de la presse et quatorze pourcent (14%) ont rejeté la notion qu’elle était une personne calculée, détestable et inhumaine. Sa plus grande difficulté a été de contrer le discours répétitif de la presse sur le fait qu’elle représentait le passé et non le changement.
Au total, les candidats ont contrôlé l’agenda médiatique et ont influencé trente-neuf pourcent (39%) des angles de couverture, presque dix pourcent de plus qu’en 2004. Le succès des équipes des deux camps à transmettre leurs messages via les médias jette une douche froide sur le travail des journalistes et force un questionnement. La demande des organismes de presse pour de l’information continuellement renouvelée est devenue un obstacle majeur dans l’objectif d’une couverture journalistique rigoureuse. Le manque de temps explique souvent le manque de vérifications nécessaires. Les médias contrôlent de moins en moins leurs contenus mais cela ne constitue en rien une excuse.
Malgré cette apparence d’équilibre dans la couverture sur le plan de l’image des candidats, la tendance de l’ensemble des contenus imprimés et diffusés a continué de favoriser Barack Obama en 2008. La presse est demeurée éblouie par le sénateur de l’Illinois, les immenses foules qu’il attirait et ses nombreuses victoires - particulièrement au début de la saison des primaires. Toutefois, le propos des médias plus positifs à son égard, a aussi trouvé sa source dans les erreurs multipliées du camp Clinton et la campagne négative orchestrée par Billary (Bill et Hillary Clinton).
Plusieurs exemples viennent en tête : la déclaration de Madame Clinton selon laquelle le rêve de Martin Luther King n’a pu se réaliser que grâce au Président Johnson diminuant l’apport historique du Dr. King, les propos de Bill Clinton peignant les similarités de la course d’Obama à celle de Jesse Jackson qui n’avait réussi qu’à remporter des États où les électeurs noirs étaient nombreux, ou encore celle à l’effet que le plan d’Obama en Iraq était un conte de fée. En plus d’accuser l’équipe d’Obama d’irrégularités durant les caucus du Nevada, les Clinton ont laissé des partisans semer des doutes sur la religion de M. Obama et rappeler son utilisation de drogues.
Parallèlement, le camp d’Hillary connaissait des difficultés financières obligeant la candidate à prêter personnellement 5 millions de dollars pour aider sa campagne tandis qu’Obama battait un record de levée de fonds atteignant cinquante-cinq millions de dollars en février. Au même moment, Clinton se voyait forcer d’annoncer le départ de sa directrice de campagne, Patti Solis Doyle.
Accuser les médias de favoritisme à l’endroit d’Obama s’avère en partie justifiée mais ne l’est pas entièrement puisque la couverture de la presse avait un devoir de mettre au jour les réalités difficiles et les erreurs du camp Clinton. À prime abord, les équipes des deux candidats ont réussi à passer les principaux messages de leurs campagnes, mais ont plus de difficulté à contrôler les accidents de parcours et la couverture médiatique. La presse a été manipulée oui, mais pas complètement.
Le medium est le message
Si les erreurs de l’équipe Clinton expliquent en partie une presse moins favorable à leur endroit, elles indiquent également le début d’une tendance défavorable à l’égard de M. Obama. La force des Clinton s’est mesuré dans leur capacité à transformer leurs erreurs en attaque négative contre leur adversaire. L’environnement médiatique de nouvelles en continue sur Internet comme à la télévision, est devenu un allié et un outil utile pour les Clinton, du moins pour un temps. Lorsque Hillary Clinton a parlé du rôle limité de Martin Luther King, Obama n’a pas critiqué les Cinton rappelant au contraire, les nombreuses réalisations de Bill en faveur de la communauté noire. Mais Madame Clinton n’a pas lâché prise et a accusé Obama et son organisation d’avoir déformé ses propos et d’avoir encouragé une réaction négative. La perception en a été que l’équipe du jeune candidat noir avait attisé le feu et profité de la question raciale pour nuire aux Clinton. Résultat : Obama s’est excusé au nom de son équipe et a demandé une trêve. Il s’est excusé pour des propos qu’il n’a jamais tenus et pour des actions que son équipe n’a jamais portées. La stratégie de récupération des Clinton a été brillante. Mieux encore, ils avaient réussi à injecter le concept racial dans la course, un terrain bien glissant pour Obama et sur lequel les médias, n’étant pas à l’aise, ne faisaient que présenter les extraits intégraux encore et encore.
Devant une presse ébranlée, mais encore sous le charme d’Obama et encore impressionnée de ses onze victoires consécutives après le fameux « Super Tuesday », la tactique des Clinton fut ensuite de manifester leur grogne contre les médias les accusant de favoriser Obama. Se référant à un sketch de l’émission populaire « Saturday Night Live », Hillary a suggéré lors d’un débat, de demander à Barack s’il est assis assez confortablement ou s’il a besoin d’un autre oreiller. Toute la semaine qui a suivi, les médias se sont interrogés sur leur objectivité comme le New York Times qui titrait le 29 février : « Are the media giving Obama a free ride? » Une semaine avant les primaires du Texas et de l’Ohio, Obama recevait effectivement soixante-neuf pourcent (69%) de toute la couverture des médias reliée à la campagne.
En réaction aux critiques des Clinton, les journalistes ont entrepris de scruter les réalisations d’Obama en commençant par sa carrière législative et les 129 fois qu’il a choisi de voter « present » sur un projet de loi lorsqu’il était sénateur en Illinois. La presse s’est mise à fouiller les liens d’Obama avec l’homme d’affaire controversé Tony Rezko de Chicago. Au même moment, les journalistes apprenaient qu’un conseiller d’Obama rencontrait un officiel canadien pour le rassurer des propos de son candidat quant à ses réelles intentions de ré-ouvrir l’ALENA. Pour finir, une photo de Barack Obama en habit traditionnel africain faisait surface. Au cours de la même semaine, la campagne Clinton lance la fameuse publicité « 3 heures du matin » faisant référence à celle ou celui qui serait le mieux placé pour répondre à une crise questionnant ainsi l’expérience d’Obama. Clinton n’avait pas non plus hésité à faire l’éloge de John McCain déclarant qu’il avait plus d’expérience que son rival démocrate.
Bref, la tactique a porté fruit puisque la couverture des médias a davantage ciblé les attaques de Clinton sur Obama que la récente défaite de la sénatrice dans onze États. Selon le Centre pour l’excellence en journalisme, la cote favorable d’Obama est tombée en chute libre passant de soixante-dix-sept pourcent (77%) au début de l’année à cinquante-trois pourcent (53%) au début de mars, tandis que celle de Mme Clinton s’est maintenue autour de cinquante pourcent (50%).
Le succès de Madame Clinton en Ohio et au Texas lui permet de cristalliser un traitement médiatique plus favorable. Plus le temps avançait, plus de questions se posaient sur la candidature d’Obama et sa capacité à faire face à un adversaire déterminé. En peu de temps Clinton avait repris l’offensive, et les attaques contre Obama ainsi que la mise en doute sur le travail des journalistes, se sont avérés payants. Clinton avait réussi à déterminer l’agenda des médias encore hypnotisés par le phénomène Obama. Après un an de campagne, il est tout de même étonnant que la presse commence à peine à fouiller le passé du candidat en bonne voie de remporter l’investiture de son parti. Cette fois la presse à bel et bien été manipulée, mais elle le méritait.
La descente en enfer d’Obama ?
La campagne d’Obama fait face à deux controverses majeures entre la mi-mars et la mi-avril juste avant les primaires de la Pennsylvanie. Une vidéo de Jeremiah Wright, conseiller spirituel du sénateur de l’Illinois, tenant des propos jugés antipatriotiques et racistes, est diffusée à la télévision et force Obama à prononcer un discours sur la question raciale. Au même moment, ce dernier domine la couverture médiatique avec soizante-douze pourcent (72%) de toutes les nouvelles sur la campagne, bien que cette couverture ait été en grande partie défavorable. Le discours met fin à l’hémorragie mais malgré les commentaires de la presse généralement positifs sur ce moment historique, plusieurs reprochent à Obama de ne pas s’être complètement dissocié de Wright et de ne pas avoir quitté son Église.
Et un mois après les paroles incendiaires du Révérend Wright, Obama commet une erreur importante. Il doit expliquer une de ses remarques sur l’amertume des électeurs des petites villes, qui, dit-il, les pousse à "s’accrocher" aux armes à feu et à la religion. Madame Clinton a vite fait de qualifier ces commentaires d’élitistes et de condescendants. Même si ces deux histoires sont arrivées tard dans la saison des primaires, la presse devenue moins complaisante envers Obama, le critique fortement. Le message d’espoir et de changement a été relégué aux oubliettes ne représentant que vingt pourcent (20%) des commentaires des médias; ces derniers mettant davantage l’accent (25% de la couverture) sur son manque d’expérience.
Mais Hillary Clinton ne connait pas de répit. Et par sa propre faute, continue d’alimenter ses critiques. À deux semaines des primaires cruciales du 22 avril en Pennsylvanie, sa campagne perd pied avec la déclaration malheureuse de Geraldine Ferraro disant qu’Obama ne serait pas rendu si loin dans la course s’il n’était pas noir, et l’imagination fertile d’Hillary Clinton qui répète à tort avoir été sous les feux ennemis à son arrivée en Bosnie. La démission forcée de Mark Penn, son stratège en chef ajoute au malheur, mais il y a plus. Les Clinton confirment qu’ils sont riches ayant accumulé des revenus totalisant 109 millions de dollars. Par ailleurs, la campagne de la sénatrice Clinton n’a récolté que vingt millions de dollars en mars, deux fois moins que son adversaire.
Le contrôle de l’agenda médiatique par le camp Clinton devient plus laborieux. La controverse du Révérend Wright ne semble pas avoir nuit autant à Barack Obama, ni même, ses propos sur l’amertume de certains Américains. Et puis, à l’approche de la fin de la saison des primaires, et malgré ses victoires, Madame Clinton est incapable de rattraper Barack Obama quant au nombre nécessaire de délégués pour remporter l’investiture. Devant un calcul mathématique qui semble insurmontable, des voix se font de plus en plus entendre pour qu’elle démissionne au nom de l’unité du parti et la presse n’hésite pas à poser la question ouvertement, et sans relâche.
Ce qui aurait pu constituer la descente en enfer de Barack Obama, n’allait donc pas se matérialiser. La sympathie des médias fut apparente lors du débat entre les deux candidats démocrates, organisé par le réseau ABC le 16 avril où Obama a été confronté à un barrage de questions allant de son patriotisme, à ses valeurs, à sa religion. Les journalistes et analystes ont été unanimes à dire, sauf pour un chroniqueur du New York Times, que les modérateurs ont exagéré et ont été carrément injustes envers le jeune candidat. Le débat sur le débat a occupé vingt-deux pourcent (22%) de la couverture média et en général le ton était défavorable envers ABC, accusé d’avoir désavantagé Obama dans sa démarche. Certains ont même insinué que Georges Stephanopoulos, ancien conseillé de Bill Clinton, avait montré ses couleurs en attaquant avec autant d’ardeur l’adversaire d’Hillary Clinton.
La presse en contrôle de l’agenda
Or, malgré la persistance de la controverse du Révérend Wright, malgré les victoires de Clinton dans la moitié des primaires restantes (dont celle importante de la Virginie de l’Ouest), malgré l’inquiétude face aux difficultés d’Obama d’attirer le vote des travailleurs de la classe ouvrière, malgré l’indécision des super-délégués à joindre les rangs d’Obama, tous avaient le sentiment en écoutant la presse que les jeux étaient faits. Lorsque Madame Clinton a proposé d’éliminer la taxe sur l’essence pendant les vacances d’été, les médias se sont précipités pour dénicher tous les économistes qui s’opposaient à cette mesure. Dès le lendemain de sa défaite en Caroline du Nord et de sa mince victoire en Indiana, la presse déclarait un gagnant. Le magazine Time titrait : « And the winner is …Obama» et les analystes disaient à tour de rôle qu’il en était fini de la campagne d’Hillary Clinton. Déjà des médias dont le New York Times annonçait les stratégies pour une bataille entre Barack Obama et John McCain faisant complètement fi de Madame Clinton. Dans cette même période, vingt pourcent (20%) des nouvelles traitaient de son départ et de la division qu’elle perpétuait au sein du parti en restant dans la course.
Et puis son coup de grâce est arrivé un vendredi lorsqu’elle fut obligée de s’excuser pour avoir fait référence à l’assassinat de Robert Kennedy comme une des raisons expliquant ce pourquoi elle restait dans la course. Les médias se sont jetés sur cette proie avec voracité. En vingt minutes, tous les réseaux s’étaient appropriés la nouvelle y retirant tout le contexte. Il fallait voir Hillary Clinton défaite pour comprendre que son intention n’était pas de supposer la possibilité d’une mort soudaine d’Obama, mais plutôt que la course à l’investiture ne s’était pas décidé en 1968 avant juin.
De la misogynie
Jeter un regard sur le travail de la presse pendant la saison des primaires est une entreprise de taille. Et ce regard sommaire ne permet pas d’entrer dans tous les détails. Par contre, j’ajouterai quelques lignes sur la couverture médiatique considérée sexiste.
Hillary Clinton a fait l’objet de plusieurs commentaires désobligeants. Pour preuve, il suffit de consulter le site Internet www.now.org/issues/media/hall_of_shame/index. Que ce soit son manque de chaleur ou ses problèmes maritaux. Ou encore, son habillement qui ne la rendait pas assez féminine (ses fameux ensembles pantalon) et son approche dure et froide qui a fait dire à l’animateur Tucker Carlson de MSNBC qu’elle semble agir trop en « homme » pour être présidente. Ou encore, à l’opposé trop féminine avec ses décolletés plongeants sur lesquels Fox News a consacré des heures d’antenne.
Les émissions américaines satiriques de fin de soirée ont de loin favorisé Mme Clinton. Même s’il faut savoir rire de soi, les messages perpétuaient des perceptions défavorables de la candidate et surtout sexistes, même sous forme de plaisanteries. Un exemple du comédien Jay Leno en dit long: « La sénatrice Clinton dit qu’elle rapatriera les troupes aux pays une fois présidente, mais elle est incapable de rapatrier Bill à la maison ». Ou encore, un journaliste de la radio publique NPR qui se trouve original en comparant Hillary Clinton au personnage de Glenn Close dans le film « Fatal attractions ».
Ses adversaires ont aussi contribué à maintenir un discours misogyne. Le 12 novembre 2007, John McCain se fait interpellé par une citoyenne qui lui demande : « How do we beat the bitch? » McCain rit avec la foule et poursuit comme si de rien n’était en disant qu’il s’agissait d’une excellente question. Peu de journalistes ont condamné cette réaction de McCain et de fait, plusieurs médias ont commencé à mettre l’accent sur la capacité d’Hillary Clinton à être suffisamment respectée et aimée pour être élue. Le même jour, le réseau ABC diffusait un sondage disant que quarante-quatre pourcent (44%) des Américains sont défavorables à Clinton ainsi que des extraits de trois femmes se demandant si Madame Clinton croyait véritablement aux valeurs familiales. Il est vrai que Clinton était loin de faire l’unanimité et qu’un bon nombre de citoyens ont un sentiment d’antipathie viscérale à son endroit. Mais rien n’excuse le silence des médias devant de telles déclarations qui n’avaient surtout rien à voir avec la compétence de la personne mais tout avoir avec des préjugés malsains. Non seulement le discours médiatique a-t-il été défavorable à Hillary Clinton, mais la toile de fond qui se lit en filigrane, est venue appuyer subtilement cette tendance, à la limite pernicieuse envers la première femme candidate à la présidence des États-Unis.
Les tactiques plutôt que les politiques
Vu dans un contexte historique, cet enthousiasme de la presse en faveur de Barack Obama rappelle celui de 1960. John F. Kennedy représentait le renouveau, autant sur le plan de la vision que de la personnalité. Les médias ont été victime également de leur propre ambition. Le désir de maintenir l’intérêt du public, ou des consommateurs, n’est pas étranger à la pression de voir se développer une course serrée. Et comme ce fut le cas en l’an 2000 pour Georges W. Bush, ils ont choisi leur favori. Les biais journalistiques étaient en évidence dans plusieurs organismes de presse. MSNBC par exemple, en a perdu sa crédibilité, tellement le réseau vibrait au son d’Obama. Des émissions comme « Countdown » avec Keith Olbermann analysaient les sondages favorables au jeune sénateur et en omettaient d’autres qui présentaient des données contraires. De plus en plus d’organismes de presse offrent de l’opinion dans leur programmation. Dans la majorité des cas, ces opinions ne sont pas appuyées ou basées sur des faits réels, mais plutôt sur une interprétation de certains faits. Cette tendance lourde ne peut que porter ombrage au métier de journaliste.
S’agissait-il de paresse intellectuelle ou carrément de manque d’objectivité mais chose certaine, les médias ont gardé sous silence pendant plusieurs mois les informations pertinentes sur les réalisations, le passé et les intentions du sénateur de l’Illinois.
En fait, l’ensemble des médias s’est davantage intéressé à la couverture de la course, des stratégies et des tactiques plutôt que sur les enjeux et les programmes politiques. De janvier à mai 2007, soixante-trois pourcent (63%) des informations ont ciblé les stratégies et les tactiques politiques, quinze pourcent (15%) les programmes des candidats, et 1% leur expertise antérieure.
Un an plus tard, l’intérêt des médias est resté invariable, et du 1er janvier au début mai 2008, soixante dix-huit pourcent (78%) des nouvelles se sont concentrées sur les aspects politiques de la campagne. Par exemple, qui a remporté la plus récente primaire. La couverture reliée aux programmes politiques n’a constitué que sept pourcent (7 %) des informations disponibles. Cette tendance a désavantagé Hillary Clinton qui bénéficiait de meilleurs commentaires sur ses politiques que son adversaire. Mais les médias ont choisi de poser cette question seulement une fois sur dix.
La couverture médiatique n’a donc pas évolué depuis les dernières élections et semble aller à l’encontre des intérêts des citoyens. L’an dernier, selon le « Pew Research Center », le public souhaitait à soixante dix-sept pourcent (77%) obtenir de l’information sur la position des candidats relative aux enjeux d’importance, dont la crise économique. Malgré le fait que dès janvier, le pays ait fait face à un ralentissement économique majeur voir même une possible récession, le public attendra jusqu’en mai avant d’être informé sur les conditions économiques inquiétantes et les intentions des candidats.
La presse américaine aura donc échoué à plusieurs niveaux, tant dans son contenu que dans son objectivité. Reste à savoir jusqu’à quel point le public aura été influencé par la couverture médiatique de cette première mais longue étape électorale et jusqu’à quel point, à l’exemple des électeurs démocrates du New Hampshire, ils ne seront pas dupes pour la suite.
Catherine Cano
Saturday, August 23, 2008
Le changement et l’expérience
Les pancartes roulées étaient cachées dans un coin bien gardé du Centre Pepsi, où se tiendra la convention démocrate dès lundi. Un organisateur qui ne pouvait plus attendre, montre fièrement une des affiches sur laquelle est inscrit : Obama-Biden.
Joe Biden est officiellement le choix à la vice-présidence de Barack Obama. Le message est clair : Obama avait besoin de rassurer les Américains sur son manque d’expérience en s’associant avec un des politiciens les plus respectés en matière de sécurité nationale et de politique étrangère.
Le sénateur du Delaware né en Pennsylvanie et issu d'un milieu ouvrier et catholique, est un personnage d'une grande humilité. Étudiant brillant, il a gradué en droit avec honneur - « magna cum laude » - sauf pour sa classe de français, où son talent limité pour les langues ne lui a valu qu’un faible D.
Joe Biden a la réputation d’être un homme d’action qui compte plusieurs réalisations à son actif, particulièrement à titre de président de deux comités importants au sénat: celui des affaires étrangères et celui des affaires judiciaires. Il a une connaissance intrinsèque des rouages politiques à Washington; un atout important pour la campagne d’Obama.
Élu au sénat américain à 29 ans, Joe Biden n’a jamais hésité à dire ce qu’il pense et n’est pas ce qu’on appelle un « yes man ». Candidat à la présidence à deux reprises, il a plus d’une fois déclaré que Barack Obama n’était pas prêt à être président.
Les républicains n’ont pas perdu de temps. Aux petites heures du matin, une publicité montrant ces déclarations était apportée en main propre au studio de CNN. L’attaque est faible puisqu’Obama prouve qu’il a l’intelligence de bien s’entourer. Les républicains, qui depuis des semaines positionnent leur candidat comme celui qui a le plus d’expérience, viennent de perdre un argument de taille. Joe Biden avec ses 36 ans d’expérience en politique, en a dix de plus que John McCain.
L’équipe du candidat démocrate prouve par ce choix qu’ils font une bonne lecture de l’état d’esprit des Américains. Selon les récents sondages, ces derniers souhaitent toujours un changement en profondeur à Washington, mais ils croient également que le poste de président exige une grande maturité. Biden apporte cette qualité au ticket.
Les partisans d’Hillary Clinton sont bien déçus et l’ancienne candidate elle-même ne semble pas plus heureuse. Lorsqu’on lui a demandé hier soir si elle tenait encore au poste de vice-président, elle a répondu sèchement : « je n’ai jamais dis que j’étais intéressée. » Toute une convention en perspective !
Catherine Cano- Canovision
Joe Biden est officiellement le choix à la vice-présidence de Barack Obama. Le message est clair : Obama avait besoin de rassurer les Américains sur son manque d’expérience en s’associant avec un des politiciens les plus respectés en matière de sécurité nationale et de politique étrangère.
Le sénateur du Delaware né en Pennsylvanie et issu d'un milieu ouvrier et catholique, est un personnage d'une grande humilité. Étudiant brillant, il a gradué en droit avec honneur - « magna cum laude » - sauf pour sa classe de français, où son talent limité pour les langues ne lui a valu qu’un faible D.
Joe Biden a la réputation d’être un homme d’action qui compte plusieurs réalisations à son actif, particulièrement à titre de président de deux comités importants au sénat: celui des affaires étrangères et celui des affaires judiciaires. Il a une connaissance intrinsèque des rouages politiques à Washington; un atout important pour la campagne d’Obama.
Élu au sénat américain à 29 ans, Joe Biden n’a jamais hésité à dire ce qu’il pense et n’est pas ce qu’on appelle un « yes man ». Candidat à la présidence à deux reprises, il a plus d’une fois déclaré que Barack Obama n’était pas prêt à être président.
Les républicains n’ont pas perdu de temps. Aux petites heures du matin, une publicité montrant ces déclarations était apportée en main propre au studio de CNN. L’attaque est faible puisqu’Obama prouve qu’il a l’intelligence de bien s’entourer. Les républicains, qui depuis des semaines positionnent leur candidat comme celui qui a le plus d’expérience, viennent de perdre un argument de taille. Joe Biden avec ses 36 ans d’expérience en politique, en a dix de plus que John McCain.
L’équipe du candidat démocrate prouve par ce choix qu’ils font une bonne lecture de l’état d’esprit des Américains. Selon les récents sondages, ces derniers souhaitent toujours un changement en profondeur à Washington, mais ils croient également que le poste de président exige une grande maturité. Biden apporte cette qualité au ticket.
Les partisans d’Hillary Clinton sont bien déçus et l’ancienne candidate elle-même ne semble pas plus heureuse. Lorsqu’on lui a demandé hier soir si elle tenait encore au poste de vice-président, elle a répondu sèchement : « je n’ai jamais dis que j’étais intéressée. » Toute une convention en perspective !
Catherine Cano- Canovision
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