Friday, August 8, 2008

Le pouvoir des Clinton

À deux semaines de la convention démocrate et de la nomination officielle de Barack Obama comme candidat à la présidence, les doutes sur l’unité du parti refont surface. Même si la majorité des partisans d’Hillary Clinton se sont rangés du côté du Sénateur de l’Illinois, un bon nombre, réunis sous le nom du «groupe de Denver », continue de propager son mécontentement. Ces Démocrates tiennent à ce que le nom d'Hillary Clinton soit sur le bulletin de vote afin qu'il s'inscrive à jamais dans l’histoire américaine, pour bien se rappeler que pour la première fois, une femme à presque remporter la nomination d'un parti. Mais l’intention est plus que symbolique. C’est aussi l’occasion de donner une dernière chance aux délégués de changer d’idée.

Pour Barack Obama, ce scénario est cauchemardesque. Tout doit être sous contrôle pendant la convention. Permettre à ce groupe et à d’autres délégués encore amers par la défaite d’Hillary de prendre un tel pouvoir, est définitivement trop risqué. Risqué parce qu’il arrive à un moment où Obama perd de la crédibilité aux yeux du public face à son adversaire. Les attaques multipliées des Républicains depuis quelques semaines ont ébranlé la force de la candidature d’Obama dans plusieurs régions baromètres du pays. Dans les coulisses démocrates, on considère qu’Hillary aurait été plus apte à faire face aux critiques de McCain. On ne pourrait pas lui reprocher de manquer d’expérience et de se prendre pour « Dieu- le Sauveur », comme plusieurs ont caricaturé Obama après son discours prononcé devant une foule de 200,000 personnes en adoration à Berlin.

Le pire ennemi d’Obama n’est pas McCain ni le parti républicain. Pour la première fois depuis juin, depuis la fameuse scène à Unity au New Hampshire où Clinton et Obama ont uni officiellement leur force, Hillary a fait campagne pour son ancien rival cette semaine. Bien qu'elle lui ait fait rencontrer ses bailleurs de fonds, et que Bill ait eu une conversation qu’il a qualifiée de « très bonne » avec le vainqueur des primaires, depuis deux mois, les Clinton se sont plutôt fait discrets auprès de l’électorat américain. Ils sont plus bavards auprès de ceux qui leur restent loyaux. Lors d’un « chat » sur Internet avec ses partisans, Hillary a jeté de l’huile sur le feu. Selon elle, les 18 millions de démocrates qui l’ont appuyé doivent avoir le clair sentiment d’avoir été entendus et elle refuse de s’opposer à la proposition de mettre son nom sur le bulletin de vote lors de la convention.

Jusqu’à présent, l’équipe d’Obama ne voyait pas d’inconvénient à la discrétion des Clinton cet été. On sait que les Républicains ont des publicités toutes prêtes qui mettront l’accent sur les déclarations de Bill et Hillary contre Barack Obama pendant les primaires. Vous vous rappelez certainement de cette phrase d’Hillary disant que John McCain avait plus d’expérience en matière de sécurité nationale et qu’il était davantage prêt à gouverner qu’Obama. Des montages vidéo circulent depuis déjà un bon moment sur Youtube et la capacité des Républicains d’utiliser ce matériel efficacement ne fait pas de doutes. Tout en reconnaissant la nécessité d’avoir recours au populaire Bill et à l’influente Hillary, la campagne du jeune Sénateur de l’Illinois espérait garder les Clinton hors du radar aussi longtemps que possible et activer leurs forces sur le champ de bataille subtilement sans tambours ni trompettes. Entre-temps, le plan était d’offrir à Hillary et à Bill leur moment de gloire pendant la convention, rassurer les délégués encore déçus et montrer avec une vigueur incontestée l’unité du parti derrière Barack Obama.

Mais tout cela risque de déraper. Par leur encouragement à poursuivre le débat pendant la convention, les Clinton vont finir par mettre Barack Obama au pied du mur. Le risque est trop grand pour les Démocrates et les enjeux trop importants pour le pays. Les Clinton détiennent le pouvoir d’assurer la prochaine présidence à leur parti, ou de miner le leadership d’Obama. Plusieurs croient qu’ils sont trop conscients de l’importance de leur héritage dans l’histoire pour saboter les chances de reprendre la Maison Blanche en 2008. D’autres sont plus cyniques et personne n’est dupe : le mouvement pour la campagne d’Hillary en 2012, est déjà entamé.

Catherine Cano - Canovision

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