Fallujah, Iraq
Shane est un marine parti en Iraq depuis le début d’avril. Les forces américaines dans ce pays en sont à leur sixième été. Depuis le début de cette guerre, plus de 4,000 soldats sont tombés au combat et près de 30,000 autres ont été blessés. Ce chiffre est encore plus alarmant parmi les Iraqiens civils et militaires où l’on compte plus de 50,000 morts et blessés.
À peine une semaine après son arrivée à Fallujah, quatre marines sont tués sur le coup lors d’une embuscade.
À des milliers de kilomètres de là, dans une ville de banlieue appelée Brighton au Colorado, la mère de Shane, Véronica, attend des nouvelles de sa belle-fille Maegan. Assise devant son ordinateur, cette dernière est encore à Camp Lejeune en Caroline du Nord avec le petit Matthew de 16 mois. Cela fait déjà trois jours que la nouvelle est rapportée dans les médias. Sans vouloir imaginer le pire, elle est incapable de dormir. Enfin, un courriel arrive. Maegan se précipite aussitôt au téléphone et signale le numéro de Véronica. Les nouvelles sont bonnes, et soulagées, elles pleurent toutes les deux de joie. Shane est vivant mais pour des raisons de sécurité, il faudra attendre trois semaines avant la prochaine communication.
« J’ai passé trois semaines angoissées, à me coucher sur le divan après le travail, le cœur en nœuds. Ce sont les plus longs mois de ma vie», me dit Véronica. Maegan s’est rapprochée de la famille et Véronica est si heureuse de retrouver son petit fils : « il ressemble à Shane lorsqu’il avait le même âge » me jure-t-elle. Shane n’a pas encore 21 ans et n’avait que 14 ans lorsque la tragédie du 11 septembre s’est produite en 2001. L’administration Bush n’a jamais prouvé le lien entre Al-Quaida et le régime de Saddam Hussein. Malgré tout, les États-Unis se sont engagés dans une guerre qui a déstabilisé l’échiquier politique du Moyen-Orient.
Shane croit à la nécessité de servir son pays. « Je veux contribuer à sécuriser les États-Unis, » dira-t-il juste avant de partir. Véronica le voit autrement: «Il est trop jeune pour comprendre qu’il met sa vie en danger pour une mauvaise décision de notre Président. Je prie tous les jours pour qu’il revienne en un morceau, physiquement et mentalement.»
Depuis, les téléphones de Shane se veulent encourageants, même s’il ne cache que les combats se sont intensifiés. Sous la chaleur torride, les conditions sont précaires: «nous restons conscients du danger qui nous entoure. Les temps de repos n’existent pas», confiera-t-il à sa mère.
Véronica non plus ne connaît plus le repos. « Tout ce que je peux faire, c’est de prétendre que tout va bien. » Et puis, elle sait qu’elle n’est pas la seule. Des dizaines de milliers de familles américaines vivent la même détresse. Chaque jour qu’un soldat tombe, elle bénit le ciel que ce ne soit pas son fils. Mais en même temps, un sentiment de culpabilité l’habite à la pensée que c’est une autre famille qui est en deuil et elle se demande à quoi sert tant de sacrifices.
Catherine Cano
(*6e article d’une série publiée dans la revue l’actualité – août 2008)
Monday, July 21, 2008
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