Je suis la politique américaine de très près depuis 20 ans et cette semaine je parcourrai mon 39e État, celui de l’Indiana où se tient une autre importante primaire de cette course au leadership démocrate. Depuis le début de cette campagne, une chose est claire. Le sentiment anti-Bush est réel et le raz le bol de la population est palpable, démocrates et républicains confondus. La présidence Bush est un échec presque sur toute la ligne et cet échec se manifeste à deux niveaux.
D’abord, le style de Georges W. Bush qui en révolte plusieurs, en est un de confrontation, cherchant à diviser pour mieux régner, et dont la fin justifie les moyens. On se rappellera de cette fameuse phrase : « You are with us or against us » lancée à ceux dont le patriotisme était mis en doute parce qu’ils osaient poser des questions sur les multiples pouvoirs que l’administration Bush s’était donnés suite aux attaques du 11 septembre 2001. On se rappellera aussi les 900 quelques fausses déclarations émises par le Président et ses acolytes - les Cheney, Rice, Rumsfeld et autres - concernant les raisons de l’invasion de l’Iraq comme celle voulant que Saddam Hussein fabrique des armes de destruction massive. Les Américains vivent sous un régime de peur depuis sept ans et ont été témoin du déclin d’un empire qui s’est isolé sous le regard choqué de la communauté internationale.
Les citoyens américains en sont venus à la conclusion qu’un changement profond s’impose à la tête du pays. Ce désir de changement, je l’ai ressenti en Iowa, dès le début de la saison des caucus et des primaires. Je n’avais jamais vu tant de jeunes se mobiliser pour une élection, eux dont l’apathie est notoire. Ce mouvement de nouveaux venus au processus électoral a aussi atteint des moins jeunes qui voteront pour la première fois. On parle d'un taux record de participation, doublant, triplant et même quadruplant par endroit. Ce phénomène est dû en grande partie à la candidature de Barack Obama qui incarne cette nouvelle vision : une transformation de l’approche politique à Washington.
Le second niveau de l’échec du Président Bush se traduit par l’héritage catastrophique qu’il laissera derrière lui : soit la guerre en Iraq et l’endettement économique du pays d’autant plus critique que ce dernier est en récession. Plus la crise économique s’enlise, plus les électeurs, en quête de stabilité et inquiets de leur situation financière, favorisent l’expérience et la co-présidence d’Hillary et Bill Clinton.
Or, la primaire qui a lieu mardi en Indiana est un véritable test pour les Démocrates de cet État puisqu’elle déterminera jusqu’où ils sont prêts à en finir avec les vielles façons de faire de la politique. Deux enjeux ont dominé la dernière semaine de campagne. La sortie du Révérend Wright et la proposition de Clinton d’éliminer la taxe sur l’essence pendant les vacances d’été.
Au sujet de la controverse entourant le Révérend Wright, Obama a été accusé par Clinton, les médias et les républicains d’avoir manqué de jugement et de ne pas avoir condamné son pasteur plus rapidement et de façon plus tranchée. L'approche d'Obama n'est pas habituelle. Il a tenté par tous les moyens de ne pas radicaliser le débat et de ne pas créer plus de hargne et de haine avec son discours éloquent sur la fragilité de la question raciale. N'est-ce pas là ce que les Américains souhaitent ? Par ailleurs, y aurait-t-il deux poids deux mesures, se demande le chroniqueur du Newyork Times Frank Rich. Pourquoi les propos tout aussi incendiaires du pasteur John Hagee, qui appui publiquement le candidat républicain John McCain, n’ont-ils pas été davantage dénoncés. Le Révérend Hagee a pratiquement associé l’église romaine à Hitler et a déclaré que Dieu avait puni la Nouvelle Orléans pour ses péchés, particulièrement les homosexuels, en déferlant l’ouragan Katrina ? Pourquoi John McCain est-il épargné par les propos de son autre ami Jerry Falwell qui a mis le blâme des attaques du 11 septembre sur les féministes et les homosexuels ?
Quant à la proposition d’Hillary Clinton de mettre fin à la taxe sur l’essence pendant l’été, les Américains doivent décider s’ils acceptent bonnement ce bonbon électoral ou s’ils répudient ce geste qualifié par plusieurs, de manipulateur. Une centaine d’économistes ont rejeté l' idée de Mme Clinton stipulant que dans les faits, cette mesure ne réduirait pas les prix de l’essence. Si la taxe est retirée, la demande augmentera et par conséquent le prix à la pompe également. Les compagnies pétrolières profiteraient de ces nouveaux revenus tandis que l’argent perdu de la taxe conduirait à une perte de 9 milliards; sommes qui serviraient à réparer les routes. Pour toutes ces raisons, le jeune sénateur de l’Illinois s’oppose à l’idée d’éliminer la taxe mais suggère plutôt une révision de la politique énergétique.
Une fois de plus, l’approche d’Obama n’est pas populaire, mais elle est réaliste et honnête. Est-ce que les électeurs démocrates de l’Indiana reconnaîtront que même les années d'expérience de Clinton ne servent pas nécessairement leurs intérêts et que la sagesse d’Obama vaut la peine qu'il reçoive une deuxième chance ? Un défi extrêmement important dont les répercussions dépasseront largement ce petit État de l’Amérique profonde.
Catherine Cano - Canovision
Sunday, May 4, 2008
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