Sunday, March 23, 2008

Un test pour les Américains

Jamais autant d’Américains se seront intéressés avec une telle ferveur à une campagne électorale. Le processus des primaires et des caucus par lesquels des millions de citoyens choisissent le prochain chef des deux partis politiques n’a jamais eu un tel sens et un tel impact.

Pendant que les Canadiens attendent encore les signes du printemps, ici à Denver, les quelques deux centimètres tombés hier soir ont déjà fondu sous le chaud soleil des Rocheuses. En ce matin de Pâques, mes premières jonquilles sont sorties et des passants me font aimablement remarquer. « Nice garden ! ». Et alors que je me retourne avec un sourire, l'un d'eux ajoute : « il fait tellement plus beau ici que dans l’est du pays. » « Oui » et encouragée par leur gentillesse j'ajoute : « ils ont encore des bancs de neige hauts comme la maison à Montréal et à Ottawa ». « Ah, vous êtes canadienne ? » et sans que j'aie eu le temps d’acquiescer, le passant poursuit : « Est-ce que c’est vrai que les Canadiens souhaitent l’élection de Barack Obama? On pourrait les invités à voter aux prochaines élections si c’est le cas? »

Je me demande encore comment ils ont pu savoir que je suivais la campagne, mais il n’en fallait pas autant pour susciter mon intérêt. Au même moment, mes voisins Suzanne et David, deux partisans d’Obama, sortent sur leur balcon. Ils ont entendu la dernière intervention du passant et sans se faire prier, ils se joignent à la conversation. « Oui, ce serait bien que les Canadiens puissent voter car ils ne sont pas racistes eux, n’est-ce pas? »

Suzanne me regarde ensuite d’un air inquiet et ajoute : « You know Catherine, on a peur que les Américains ne soient pas prêts à appuyer un candidat Noir. Les démocrates oui, mais pas le reste du pays. » Et c’est la question que tous se posent depuis le début de cette course. Combien d’électeurs gardent des préjugés défavorables face à la communauté noire ? Il y a quelques jours, Barack Obama a bien tenté de percer l’abcès avec un discours éloquent sur la question raciale. Sans hésiter, utilisant des exemples concrets d’attitudes communes des Blancs vis-à-vis des Noirs et inversement, il a relevé le malaise et les craintes de tous face au fond de racisme qui demeure encore aujourd’hui une réalité.

Avec une franchise hors du commun, le candidat a livré un long plaidoyer en faveur de l'unification du pays afin d'en arriver à mettre de côté les a priori, à construire avec la force des différences de cultures plutôt que de chercher à s’isoler dans de fausses croyances et de demeurer divisés. Un discours rassembleur en somme qui a mérité les éloges de la majorité de la presse et des analystes américains.

Barack Obama, qui tentait par tous les moyens de transcender le facteur racial, n’a eu d’autres choix que d’y faire front. Par la même occasion, il force les Américains, et les démocrates en premier lieu, à poser les jalons d’une réflexion beaucoup plus profonde et honnête face à leurs propres valeurs. Les électeurs démocrates doivent déterminer quel message ils souhaitent lancer à tous les Américains, et ces derniers doivent décider quel message ils enverront ensuite au monde entier. Est-ce que la société américaine est prête à franchir ce pas, celui qui, tout en reconnaissant les blessures du passé, lui permettrait de commencer sa guérison. Cette élection constitue un point tournant et un véritable test dans l’histoire remarquable de ce grand pays.

Catherine Cano - Canovision

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